C'est une lettre adressée à notre cher PDG à tous - ou presque - Jean-Marie MESSIER.
Camarade PDG,
Tu permets que je t'appelle camarade, je suis obligé de te tutoyer par la même occasion, c'est d'usage. Et puis c'est mieux que « Ô grand Jean-Marie MESSIER, commandeur des communicants », et puis des autres aussi, par la grâce de la Sainte Trinité : ramifications, absorbtion, profit. C'est quoi, profit ? Profit, profit, c'est là.
Je précise quand même qu'il n'est pas le seul à être comme ça, je m'adresse donc aux autres aussi, mais enfin disons que lui, c'est le camarade le plus omniprésent.
Et puis, quand même bon, il faut dire que toi, camarade, tu n'es pas vraiment mauvais finalement, tes intentions sont pures, le bonheur pour tous dans le meilleur des mondes, toi tu respectes les artistes, surtout les rebelles, pas ceux préfabriqués et formattés par l'industrie et pour l'industrie, tu es donc fantastique, mais il te reste tout à prouver :
- que tu défends la culture au pluriel, et pas seulement parce que le profit - tiens donc, un mot qu'il ne prononce jamais, mais nous, oui - n'a pas d'odeur - le profit n'a pas d'odeur,
- que les petits labels et les petits disquaires pourront survivre à une telle hégémonie, je parle du ras-de-marée Universal,
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- qui est aussi votre maison de disques, indirectement.
- comment ?
- qui est aussi votre maison de disques, indirectement, c'est pour ça que
vous (restez devant les caméras de télé ?)
- comment tu dis indirectement, j'y, j'y viens, Jean-Luc...
- je vous en prie Bertrand.
- j'y viens.
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- que tu ne sépares pas le monde entre bergers actionnaires et moutons payeurs, sachant que les bergers ont parfois des têtes de mouton et vice-versa.
Il te reste aussi à prouver que tu n'es pas le roi du dégraissage de personnel et qu'une de tes missions principales est de rééquilibrer les échanges culturels et commerciaux entre l'Europe et les Etats-Unis - vous imaginez un petit peu le truc.
Tu as dit, Jean-Marie - tu permets, camarade, je t'appelle par ton prénom - sur France Inter début janvier qu'un disque sur 4 partait à l'exportation. Selon toi c'est le cas de Noir Désir et de Zebda : merveilleux mais entièrement faux. Menteur, camarade patriote, chiffres à l'appui.
J'en passe et des meilleures sur l'utilisation que tu fais de notre nom, et c'est pour ça qu'on se permet de répondre, parce que c'est notre droit.
Pour finir, sache que si tes pilules sont trop amères, tu trouveras d'autres que nous pour les faire passer, et nous n'avons pas demandé à faire partie de ce grand tout que tu diriges, que tu manipules, que tu récupères - critiques, médias, y compris cette lettre que tu vas sûrement tenter de récupérer. Allez, salut à toi camarade PDG de la nouvelle Internationale d'Universal, nous ne sommes pas dupes de ton manège, et si nous sommes tous embarqués dans la même planète, on n'est décidément pas du même monde.
Bertrand Cantat - Noir Désir.